Le 14 février 2013, le Salon Bleu-Vert-Soleil, aux Halles de Foires de Liège, accueillait cinq interventions sur « Le tourisme alternatif : outil de développement local durable et de lutte contre la pauvreté, au Nord comme au Sud. ».
On y posait la question de la certification dans ce domaine foisonnant. Dans quelques semaines, vous aurez accès aux actes de ce colloque organisé par Altervoyages, le CASIW/WBI et la CTB. En attendant, jâai envie de vous transmettre ce qui mâa particulièrement intéressée.
Anne André (Identité Amérique Indienne)
Tourisme alternatif, responsable, slow, équitable, tourisme dâaventure, durable, solidaire ou communautaire, écotourisme⦠Les alternatives au tourisme de masse ont connu un développement remarquable. Avec ce colloque, « lâautre tourisme » a pris la place quâil mérite au « Salon Bleu-Vert-Soleil ».
Animée par Béatrice CLARINVAL du CASIW/WBI et introduite par Dimitri LECARTE, (Cafés Chorti) pour la plateforme Altervoyages, la séance a attiré 150 personnes.
En préalable à sa contribution, Bernard SCHEOU, de lâUniversité de Perpignan, invitait à ne pas opposer lâensemble des initiatives novatrices au « mauvais » tourisme de masse, industrialisé. En effet, toutes les alternatives ne se soucient pas dâéquité dans les bénéfices ou du futur écologique des populations visitées. Et sâil est facile de faire une liste de mauvaises pratiques, de lâexploitation des êtres humains à la défiguration du paysage, en passant par les conséquences de dons non réfléchis qui bouleversent les communautés, on nâa, par contre, pas fini de définir les exigences dâun « bon » tourisme, facteur dâun réel développement.
Ainsi, la croissance économique par le tourisme ne garantit pas le développement social et humain des populations. Par exemple en Ãquateur - où 58% des amérindiens sont classés dans la population pauvre et 29% vivent dans lâextrême pauvreté - lâapport de devises par le tourisme confirme généralement les inégalités économiques, ne lutte guère contre les migrations intérieures et, en provoquant une perte de lâestime de soi et de son groupe, est alors contraire au développement.
La résistance des communautés indigènes équatoriennes à lâintroduction dâun écotourisme peu conscient de lâimpact sur les populations a fait du tourisme communautaire un outil politique. Elles ont obtenu des garanties pour leur développement harmonieux : reconnaissance du caractère solidaire de la communauté, finalité socio-culturelle des initiatives, contrôle par la communauté, répartition équitable de la richesse générée par le tourisme, valorisation des ressources de leur territoire plutôt quâimportation, etc. Ces normes posées par les acteurs locaux sont primordiales, car la question du développement est plus éthique quâéconomique.
Pour nous, acteurs occidentaux, la sélection de partenaires est une responsabilité qui dépasse la recherche dâune bonne offre pour voyageurs et la volonté de « les aider à se développer». En effet, la vision occidentale du développement est souvent inadéquate.
Un responsable de communauté témoigne ainsi : « Les occidentaux nous disent pauvres parce que nous nâavons pas dâargent, ni lâélectricité. Nous-mêmes ne nous considérons pas pauvres, nous nous considérons comme un peuple dâintellectuels : avant nous avions la sagesse, aujourdâhui nous avons de bons professionnels, et pas une famille nâest sans terre et tous peuvent manger et se vêtir. »
Cela ne justifie pas une protection « écologique » des peuples indigènes qui, tout en respectant leur sagesse ancienne et leurs beaux paysages, favoriserait un tourisme consumériste avide dâexotisme. Câest une invitation à un échange, une communication à partir de nos attentes et de nos valeurs différentes et communes. Les membres dâAltervoyages se sont justement réunis à partir de ces exigences : la volonté dâouverture à lâAutre, le souci éthique.
La qualité dâun acteur du tourisme peut évidemment être garanti par lâattribution dâun label de qualité, ainsi celui adopté par les responsables régionaux pour la Wallonie et Bruxelles. Lors du colloque, Daniel DANLOY , du Commissariat général au Tourisme de la Région wallonne, a expliqué la politique du tourisme dans notre région, aboutissement dâun processus de réglementation, de structuration et dâincitation où les critères de développement durable sont intervenus.
Mais la labellisation ne sera pas le choix dâAltervoyages - et donc dâIdentité Amérique Indienne. En effet Elsa MIROUX (ATES, un organisme français qui, comme Altervoyages, réunit des initiatives de tourisme alternatif) et Gautier AMOUSSOU (Eco-Bénin) nous ont convaincus en témoignant de leur travail pour définir des critères « à partir de la base » .
Lâobtention dâun label suppose une intervention extérieure - et donc un coût - que de petites structures supporteraient avec difficulté. On croit garantir ainsi lâobjectivité des critères, mais les acteurs (producteurs et utilisateurs) sont capables de les élaborer en commun, à partir de leurs pratiques, leurs difficultés, leurs besoins, ainsi que des solutions trouvées pour un meilleur fonctionnement.
Quant aux évaluations, la sanction par le label exclut celui dont la réussite nâest pas totale, donc il privilégie celui qui détient déjà savoirs et moyens, alors quâil sâagit de favoriser et dâaccompagner leur acquisition. Il nâest donc pas adapté aux situations actuelles dans les pays du Sud.
Et pour QUI évalue-t-on ? Pour le voyageur, qui pourra faire son choix en confiance entre des produits et services touristiques évalués en continu, aux critères transparents. Pour lâacteur local ou lâintermédiaire, qui ont besoin de savoir comment élaborer une offre satisfaisante et qui, dans le dialogue, apprennent et progressent.
« Ãvaluation participative »⦠Ãlaborer les critères, les classer, distinguer entre exigences absolues et qualités souhaitables, écouter celui qui a intégré dans ses choix la taxe carbone ou le soutien à un projet de développement communautaire, se poser la question des pratiques écologiques au bureau dâici et dans la structure de là -bas qui accueille les voyageurs, sâévaluer mutuellement, dans une émulation qui ne craint pas la concurrence et cultive la diversité, se former réciproquement plutôt que prolonger la dépendance vis-à -vis de formateursâ¦
Pour en savoir plus sur ce processus, vous lirez les actes du colloque⦠mais attendrez-vous ensuite à découvrir les critères redéfinis par les organismes membres dâAltervoyages⦠ou avez-vous déjà envie, voyageurs passés et futurs, de nous rencontrer pour les enrichir ?
Samuel POOS, Coordinateur du Trade for developpement center de la CTB/BTC, en faisant le portrait du voyageur du tourisme équitable, nous a révélé deux critères essentiels du choix valables autant pour cette espèce rare que pour le touriste lambda : le plaisir et le prix.
Venez donc nous en dire plus !
Anne André (Identité Amérique Indienne)